Une exposition temporaire à la Société Géologique de France préparée par : Camille FRANÇOIS, Solen LE GARDIEN, Violaine SAUTTER & David C. SMITH.

Avec le soutien et l’aide de Mary Inglis, A. Rosu & S. Chaimbault

Télécharger la brochure ici.

A PROPOS DE L'EXPOSITION

En collaboration avec le Muséum National d’Histoire Naturelle et la Commission de la Carte Géologique du Monde, cette exposition permet de partir à la découverte des éclogites, des roches formées dans les profondeurs de la Terre, au travers d’ouvrages du fonds documentaire de la SGF et surtout d’échantillons de la COSEM: la Collection Smith des Eclogites du Monde.

Pourquoi le terme « éclogite » et pourquoi la Norvège ?

 

L’abbé René-Just Haüy crée le terme « éclogite » à partir du grec « ἐκλογή » (eklogê) qui signifie « choix ». Il pense que ces roches ont « choisi » d’être différentes des autres, et les décrit dans son Traité de minéralogie de1822.

Pentti Eskola (1883-1964) publie en 1920 une classification des roches métamorphiques basée sur le concept innovant de « faciès », incluant une description de ce qu’il définit comme un « faciès éclogitique ». L’année suivante, il publie un ouvrage sur les éclogites de Norvège dans « Le Gneiss de l’Ouest », une énorme unité de plus que 200 km de nappes qui ont été métamorphisées.

A la même époque, Yvonne Brière (1891-1981), une des premières femmes géologues en France, propose une origine métamorphique des éclogites dans sa thèse “Les éclogites françaises : leur composition minéralogique et chimique ; leur origine”, soutenue à la Faculté des Sciences de Paris et publiée en 1920. Cette idée, fortement critiquée par son jury de thèse, est aujourd’hui unanimement acceptée.

Depuis les années 1960, grâce à l’arrivée de nouvelles méthodes analytiques en pétrologie (microsonde électronique…), de nombreux autres chercheurs s’intéressent aux éclogites pour comprendre comment elles peuvent affleurer à la surface de la Terre après avoir été créées à de si grandes profondeurs.

Un changement de paradigme en géodynamique: la subduction de la croûte continentale

 

En 1984, les découvertes du minéral coésite dans des roches de la croûte continentale en Italie (Chopin, 1984) et dans des éclogites de Norvège (Smith, 1984), révolutionnent la géodynamique. La présence de coésite dans les éclogites prouve un enfouissement à des profondeurs deux à trois fois plus importantes que supposées auparavant (environ 100 km). De plus cela montre que la croûte continentale peut subduire, elle aussi, à très grande profondeur.

Une nouvelle discipline naît, appelée l’UHPM « Ultra-High Pressure Metamorphism ».

Cette exposition commence par une définition des éclogites et du métamorphisme (vitrines 1 à 3) et des processus géodynamiques liés à la formation de ces roches (vitrines 4 à 7). Elle se poursuit par la minéralogie très diverse des éclogites de Norvège (vitrines 8 à 14). L’étude des roches de la COSEM a permis à David et à ses collègues de décrire de nouvelles espèces: nyböite, Mg-Al & Fe-Al-taramite, lisetite et davidsmithite, toutes reconnues par l’« International Mineralogical Association » (vitrines15 & 16). L’exposition se termine par l’implication géodynamique de la découverte de ces roches à travers l’histoire de notre Terre (vitrine 17).

Au travers de cette exposition, vous pourrez voyager de l’infiniment grand à l’infiniment petit; l’étude des éclogites est un vaste domaine allant de la géodynamique régionale à la cristallochimie.

 

 

 

Une éclogite est une roche grenue constituée de grenat rouge et de pyroxène vert (l’omphacite, raisin vert en grec). L’Abbé René-Just Haüy en 1822, fasciné par cette roche (échantillon 505 présenté en vitrine) aux couleurs vives (sans feldspath), en fit une roche de choix en la baptisant « éclogite » (du grec ἐκλογή signifiant « choix », en référence à la sélection des minéraux qui constituent cette roche). Pour Haüy, la diallage (ancien nom pour clinopyroxène) était « considéré comme une fonction de base et formait avec le grenat une combinaison binaire à laquelle sont censés s’unir accidentellement le disthène, le quartz, l’épidote et l’amphibole laminaire ». Avant Haüy, ces roches avaient été repérées 40 ans plus tôt en Bavière, par Horace Bénédict de Saussure.

Le grand géognoste allemand Abraham Gottlob Werner connaissait aussi quelques éclogites des Alpes autrichiennes et d’Allemagne méridionale, notamment le gisement bien connu de Silberbach (échantillon 25 Ec). Il les décrivit comme constituées de grenat, “omphazit” et, occasionnellement, “cyanit” (Werner, 1817).

Le nom éclogite fut employé par les géologues européens pour désigner des roches d’Allemagne, d’Autriche, des Alpes et de Norvège. En France, la première découverte d’éclogite fut faite par Auguste Rivière en Vendée (échantillon P1567) où il découvrit « la belle roche qui porte le nom d’éclogite » (Rivière, 1835). La première étude portant sur ces roches fut faite par Alfred Lacroix en 1891, puis par son étudiante Yvonne Brière en 1920 (cf vitrine 2).

Cette lame mince présentée en vitrine est une éclogite de kimberlite composée majoritairement de grenat rouge et de pyroxène vert (Mine Roberts Victor, Afrique du sud). Une kimberlite (de la ville de Kimberley en Afrique du Sud) est une roche magmatique ultrabasique très brèchique profondément enracinée dans le manteau et remontant en surface à des vitesses Mac 2, des nodules d’éclogite, de péridotite et des diamants.

une éclogite de kimberlite

Ouvrages présentés en vitrine:

 

Hommage à Haüy : Société française de minéralogie (1945). – René-Just Haüy, 1743-1822, Paris, Masson, 348 p.

René-Just Haüy

René-Just Haüy (1743-1822) est un minéralogiste français, fondateur de la cristallographie (avec Jean-Baptiste Romé de Lisle). Destiné à la prêtrise, il découvre la botanique puis la minéralogie et publie en 1781 un article sur la structure des cristaux de grenat. Admis à l’Académie des Sciences en 1783, puis au Muséum National d’Histoire Naturelle, il décrit et nomme un grand nombre d’espèces minérales dans son Traité de Minéralogie, publié en 5 volumes (dont un de planches) en 1801. C’est dans la seconde édition de ce Traité, publiée en 1822, qu’il décrit une roche qu’il nomme « éclogite », dans un chapitre sur la diallage (clinopyroxène): « J’ai donné à cette roche le nom d’éclogite, qui signifie choix, élection, parce que ses composants, n’étant pas de ceux qui existent communément plusieurs ensemble dans les roches primitives, comme le feldspath, le mica, l’amphibole, semblent s’être choisis pour faire bande à part.» (Traité de Minéralogie, 2e édition, Vol. II., p. 456). L’échantillon H505 présenté en vitrine est une éclogite de Bavière étudiée par Haüy.

Saussure, H.-B. de (1779-96). – Voyages dans les Alpes, précédés d’un essai sur l’histoire naturelle des environs de Genève, Neuchâtel, S. Fauche, 4 vol., Vol. I, pp. 155-156 :

Voyages dans les Alpes

Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799) est un savant genevois qui s’est intéressé à la physique, la géologie, la minéralogie, la météorologie, la botanique, la philosophie… Fasciné par les Alpes depuis son plus jeune âge, il offre en 1760 une récompense pour l’ascension du Mont Blanc, qui est réussie en 1786 par Jacques Balmat et Michel Paccard. Saussure atteint le sommet l’année suivante et retrace ses expériences alpines dans ses Voyages dans les Alpes, publiés en 4 volumes entre 1779 et 1796.

Dans le premier volume de ses Voyages, Saussure décrit une roche « décrite nulle part : c’est un mélange de jade, de schorl spathique vert et de grenat en masse. Cette pierre d’une dureté et d’une densité considérables, prend un beau poli, et les grandes taches rouges, vertes et jaunes, forment un très bel effet ». (Voyages dans les Alpes, Vol. I, pp. 155-156). Il semblerait qu’il s’agisse de la première description d’éclogite, plus de quarante ans avant qu’Haüy ne la décrive et ne la nomme.

L’exemplaire présenté porte la mention « Ex-libris Ellenberger ». Avant d’être donné à la bibliothèque de la SGF, l’ouvrage faisait partie de la collection de François Ellenberger (1915-2000), un géologue français qui a entre autres travaillé sur la structure et le métamorphisme des Alpes. Il est aussi le fondateur du Comité français d’Histoire de la géologie (COFRHIGEO) en 1976, et s’est intéressé à la figure d’Horace-Bénédict de Saussure dans son ouvrage Histoire de la Géologie.

2. L’ÉCLOGITE, UNE ROCHE MÉTAMORPHIQUE

Les travaux sur les éclogites se poursuivent dans les années suivantes, principalement sur les compositions minéralogiques, mais leur origine magmatique ou métamorphique reste sujette à débat. Parmi les partisans de l’origine magmatique, Pentti Eskola (1921) considérait les éclogites de Norvège comme ayant cristallisé à partir d’un « magma éclogitique » dans des conditions de haute pression (HP). A l’inverse, Yvonne Brière (en photo dans la vitrine) affirma que les éclogites françaises résultaient d’un métamorphisme de roches gabbroïques.

Yvonne Brière

Yvonne Brière (18/08/1891-23/12/1981) est la première femme à préparer une thèse dans le Laboratoire de Minéralogie du Muséum (et une des toutes premières au niveau national), sous la direction d’Alfred Lacroix (1863-1948). Elle est boursière de doctorat de 1917 à 1919. Elle y reprend un sujet abandonné par un étudiant entré en religion, l’étude des ÉCLOGITES dont elle visite de nombreux gisements de Vendée, Loire Atlantique (échantillon 9 Ec), Morbihan et Limousin.  

© MNHN

Laboratoire de Minéralogie du Muséum

Elle soutient sa thèse à la Sorbonne en 1920. S’appuyant sur des analyses chimiques globales d’un certain nombre d’échantillons, elle défend l’idée que les éclogites sont des roches métamorphiques qui résultent de la transformation à l’état solide de roches magmatiques (de composition basaltique comme le gabbro CF1 présenté dans la vitrine). Cette conclusion, aujourd’hui unanimement acceptée, fut fortement critiquée par son jury de thèse de l’époque.

 

Elle reste ensuite stagiaire du Laboratoire de Minéralogie entre 1920 et 1923, qu’elle quitte à son grand regret pour s’expatrier à Madagascar, alors colonie française. Elle revient comme bénévole au Laboratoire de Minéralogie peu avant la Seconde Guerre Mondiale. L’exemplaire de sa thèse présenté ici est dédicacé à Alfred Lacroix.

 

Extrait de la thèse de doctorat d’Y. Brière montrant la composition chimique (en poids d’oxydes) de l’échantillon 9 Ec présenté en vitrine.

© MNHN

Thèse Yvonne Brière à la Sorbonne en 1920

COSEM Q4 : Une « coronite » est une roche où de nouveaux minéraux métamorphiques se sont formés en anneau autour d’un cristal précédent. Ici, les plagioclases blancs ne sont plus stables sous des pressions grandissantes et sont grignotés par de petits grenats rouges, marquant le début de l’éclogitisation (la transformation en éclogite). Plus tard, les grenats vont croître à mesure que les plagioclases se résorbent. Á terme, les coronites disparaissent pour donner l’éclogite finale à grenat et pyroxène (COSEM B338). 

COSEM B338 : Dans cet affleurement extraordinaire de Grytting, décrit par Eskola (1921), les clinopyroxènes (omphacites : riches en Na et Al) sont verts tandis que les grenats (pyropes : riches en Mg) sont rouges, et sont parfois de qualité gemme. La présence d’orthopyroxène de couleur miel (enstatite : riche en Mg), indique une composition chimique globale de la roche riche en magnésium. L’absence du mica phlogopite (riche en Mg et en eau) indique que cette roche est relativement anhydre.

La présence d’orthopyroxène dans une éclogite est très rare, sauf en liaison avec des péridotites. © D.C. SMITH

V2-Norway1_0181_Grytting OPX eclogite

Ouvrages présentés en vitrine:

 

  • Lacroix, A. (1891). – Etude pétrographique des éclogites de la Loire-inférieure, Bulletin de la Société des Sciences naturelles de l’Ouest de la France, I, pp. 81-114

Alfred Lacroix (1863-1948) est un géologue, minéralogiste et pétrographe français, nommé en 1893 Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, à la chaire de Minéralogie qu’avait occupée René-Just Haüy soixante-dix ans plus tôt. Dans cet article de 1891, il décrit les éclogites de divers gisements de Loire-Atlantique, dont celui de Saint-Philibert-de-Grand-Lieu.

Auteur de plus de six cents publications, on lui doit Minéralogie de la France et de ses colonies : description physique et chimique des minéraux ; étude des conditions géologiques de leurs gisements, publiée entre 1893 et 1913.

 

  • Brière, Y. (1920). – Les éclogites françaises, leur composition minéralogique et chimique ; leur origine, Thèse ès Sciences naturelles, Paris, Giard et Brière, 143 p.

Yvonne Brière (1891-1981) rejoint le Muséum d’Histoire naturelle et le laboratoire de minéralogie d’Alfred Lacroix, qui a étudié les éclogites de Loire-Atlantique. Elle propose d’étendre l’étude à d’autres gisements français dans le cadre de sa thèse, car elle souhaite « étudier les éclogites, non seulement au point de vue de leur composition minéralogique et de leur structure, mais encore à celui de leur composition chimique qui permet de discuter leur origine probable. ». Selon Brière, les éclogites ont une origine métamorphique, elles « possèdent la composition chimique de roches éruptives, dioritiques ou gabbroïques suivant les cas. Il n’est donc guère douteux qu’elles ne proviennent de la transformation de roches de cette nature. ». Cette hypothèse est contestée lorsqu’elle soutient sa thèse en 1919 à la Sorbonne, car beaucoup attribuent une origine magmatique aux éclogites, et le débat se poursuit dans les années, voire les décennies suivantes.

 

La thèse d’Yvonne Brière a également été publiée dans le Bulletin de la Société française de Minéralogie, Vol. 43-2, 1920, consultable ici : https://www.persee.fr/doc/bulmi_0366-3248_1920_num_43_2_3743

 

Pour en savoir + :

sur Yvonne Brière et sur les débats autour de l’origine métamorphique des éclogites :

  • Godard, G. (2001). – Histoire des éclogites et de leur interprétation géodynamique, Travaux du Comité français d’Histoire de la géologie, T. XV
  • Godard, G. (2015). – Le métamorphisme de (ultra) haute pression : deux siècles de débats, Géochronique, n°136, pp. 21-26

3. LE MÉTAMORPHISME

Le métamorphisme

Le métamorphisme est une transformation à l’état solide de roches lorsqu’elles sont enfouies à plusieurs kilomètres sous la surface du sol au cours de phénomènes géodynamiques. Le métamorphisme est donc un processus qui sous l’action de températures et de pressions élevées en profondeur, affecte indifféremment toutes les familles de roches (magmatiques, sédimentaires et métamorphiques). Il existe plusieurs types de métamorphismes : le métamorphisme de subduction/collision lors de la formation des grandes chaînes de montagnes (cf vitrines 5 & 6), le métamorphisme de contact (par exemple autour d’un pluton (cf Flamanville), le métamorphisme d’impact (par exemple lors de la chute d’une météorite) et le métamorphisme hydrothermal (ou métasomatisme cf vitrine 10).

Dans la vitrine sont présentées différentes roches sédimentaires et magmatiques (calcaire, granite, argile, basalte et gabbro) et leur équivalent métamorphiques (marbre, gneiss, micaschiste et éclogite). Lors du métamorphisme, par exemple, les basaltes ou gabbros (qui sont des roches magmatiques de la croûte océanique) se transforment en éclogites sous l’effet de la pression, de la température et de la profondeur. Ces « couples » de roches (par exemple calcaire/marbre) ont la même composition chimique (mais des minéraux différents).

Pour en savoir + :

 

Disponible sur la boutique de la SGF : https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/curiosit%C3%A9s-g%C3%A9ologiques/curiosit%C3%A9s-g%C3%A9ologiques-des-plaines-et-bocages-de-vend%C3%A9e-detail.html

 

  • Collectif (2015). – Regards croisés sur le métamorphisme, Géochronique, 136, pp. 7-82

Disponible sur la boutique de la SGF : https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/geochronique/regards-crois%C3%A9s-sur-le-m%C3%A9tamorphisme-detail.html

 

  • Nicollet, C. (2015). – Métamorphisme et géodynamique, Paris, Dunod, 301 p.
  • Robert C., Bousquet, R. (2013). – Géosciences : la dynamique du système Terre, Paris, Belin, 1159 p.

Disponible sur la boutique de la SGF : https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/nouveaut%C3%A9s/g%C3%A9osciences-la-dynamique-du-syst%C3%A8me-terre-detail.html

4. NOTION DE FACIES

Lorsqu’une roche est soumise à des conditions de pression (P) et de température (T) particulières lors du métamorphisme, elle conserve la même composition chimique globale mais les minéraux qui la composent changent. Par exemple, un basalte (ou un gabbro) a la même composition chimique qu’une éclogite mais ces roches n’ont pas été formées dans les mêmes conditions P-T. En fonction de ces dernières, on distingue ce que l’on appelle des « faciès » métamorphiques.

En 1911, Victor Goldschmidt, étudie une formation de roches métamorphiques en Norvège et établit pour la première fois un lien entre assemblage minéralogique à l’équilibre d’une roche métamorphique et la composition chimique globale.

En 1915 en Norvège, Pentti Eskola fait les mêmes observations. En revanche il constate, que certaines roches métamorphiques présentant la même composition chimique ont des assemblages minéralogiques différents. Il en conclut que la différence entre ces assemblages reflète une cristallisation sous des conditions PT différentes. Il définit alors la notion de faciès en 1920 (même s’il considérait les éclogites comme ayant une origine magmatique).

La confirmation expérimentale de la formation des éclogites à HP, et donc de leur origine profonde, vint dans les années 1960, avec le développement de la pétrologie expérimentale, (Smulikowski, 1964 ; Coleman et al., 1965 ; Ringwood et Green, 1966 ; Newton & Smith, 1967).
Les noms des 5 principaux faciès métamorphiques, schiste vert (SV), schiste bleu (SB), amphibolite (AMPH), granulite (GRANU) et éclogite correspondent aux domaines P-T définis pour des roches de composition basaltique et sont présentés dans cette vitrine. La présence (et l’absence) de certains minéraux sont caractéristiques de certains faciès : l’amphibole bleue (la glaucophane) pour le facies schiste bleu, l’assemblage grenat-pyroxène (+ l’absence de plagioclase) pour le faciès éclogitique (voir liste des minéraux caractéristiques).

Schiste vert à épidote de l’île de Groix (Bretagne, France). © C. François
Schiste vert à épidote de l’île de Groix (Bretagne, France). © C. François
Schiste bleu à glaucophane, épidote et grenat de l’île de Groix (Bretagne, France). © C. François
Schiste bleu à glaucophane, épidote et grenat de l’île de Groix (Bretagne, France). © C. François
Eclogite à clinopyroxène, grenat et quartz de Verpeneset (Nordfjorden, Norvège). © D.C. SMITH
Eclogite à clinopyroxène, grenat et quartz de Verpeneset (Nordfjorden, Norvège). © D.C. SMITH
éclogite à disthène

Principaux minéraux des faciès (pour une roche basique) :

Schiste vert : albite (blanc), chlorite et actinote (vert) ± épidote (vert)

Schiste bleu : glaucophane (bleu) et épidote (vert-pistache) ± grenat (rouge) ± lawsonite

Amphibolite : amphibole (vert foncé), plagioclase (blanc) ± grenat (rouge)

Granulite : quartz (incolore), feldspaths (blanc et rose) ± hypersthène (miel foncé), grenat (rouge)

Eclogite : pyroxène (vert : omphacite/jadéite) et grenat (rouge)

 

© T. Ferroir

Ouvrage présenté en vitrine :

  • Eskola, P. (1920). – The mineral facies of rocks, Norsk Geologisk Tidsskrift, VI, pp. 143-194.

Pentti Eskola (1883-1964) est un géologue finlandais qui a développé la notion de faciès métamorphique. On trouve les premières traces de ce concept dans deux de ses publications en 1914 et 1915: “Dans toute roche métamorphique qui a atteint un équilibre chimique via le métamorphisme dans des conditions de température et de pression constantes, la composition des minéraux est contrôlée uniquement par la composition chimique [de la roche].” Eskola enrichit son idée les années suivantes (grâce, entre autres, à sa rencontre avec Victor Goldschmidt) et propose une classification des faciès métamorphiques en 1920.

 

Pour en savoir + :

  • Eskola, P. (1914). – On the petrology of the Orijärvi region in southwestern Finland, Bulletin de la Commission géologique de Finlande, 40, 277 p.
  • Eskola, P. (1915). – Om sambandet mellan kemisk och mineralogisk sammansattning hos Orijarvi-traktens metamorfe bergarter [On the relations between the chemical and mineralogical composition in the metamorphic rocks of the Orijarvi region], Bulletin de la Commission géologique de Finlande, 44, pp. 109-145.
  • Eskola, P. (1929). – Om mineralfacies. Geologiska Foreningens i Stockholm Forhandlingar, 51, pp. 157-172.
  • Plunder, A. (2013). – L’évolution du concept de faciès métamorphiques sous l’influence de Pentti Eskola entre 1915 et 1939, Travaux du Comité français d’Histoire de la géologie, T. XXVII
  • Smulikowski, K. (1964). Le probléme des éclogites. Geologia Sudetica, 1(1), 13-77.
  • Coleman, R. G., Lee, D. E., Beatty, L. B., & Brannock, W. W. (1965). Eclogites and eclogites: their differences and similarities. Geological Society of America Bulletin, 76(5), 483-508.
  • Ringwood, A. E., & Green, D. H. (1966). An experimental investigation of the gabbro-eclogite transformation and some geophysical implications. Tectonophysics, 3(5), 383-427.
  • Newton, R. C., & Smith, J. V. (1967). Investigations concerning the breakdown of albite at depth in the earth. The Journal of Geology, 75(3), 268-286.

Pour en savoir + sur les éclogites de l’île de Groix présentées en vitrine :

  • Graviou, P., Jégouzo P., Jonin, M., Plaine, J. (2014). – Bretagne, Guides géologiques, Montreuil, Omniscience, 256 p.

Disponible sur la boutique de la SGF : https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/guides-g%C3%A9ologiques/guides-g%C3%A9ologiques-bretagne-detail.html

 

  • Graviou, P., Augier, R., Le Goff, E. (2019), Curiosités géologiques du Morbihan, Orléans, BRGM Editions, 120 p.

Disponible sur la boutique de la SGF : https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/curiosit%C3%A9s-g%C3%A9ologiques/curiosit%C3%A9s-g%C3%A9ologiques-du-morbihan-detail.html

 

  • Michel Ballèvre. L’île de Groix: une archive des subductions paléozoïques. Géochronique, 2022, 163, pp.10-13. ⟨insu-03822077⟩

5. ENFOUISSEMENT

Lors de l’enfouissement par subduction, la plaque océanique composée de basalte et de gabbro et sa couverture sédimentaire argileuse, sableuse ou carbonatée plonge sous une plaque continentale ou océanique, ce qui entraine une augmentation plus rapide de la pression que de la température.

conditions2

COSEM S14 : Cette roche vient d’une lentille d’éclogite encaissée dans une unité de schistes bleus ; ces deux types de roches ayant été créées sous haute pression. Le nom de schiste bleu est donné à ces roches car elles contiennent une amphibole de couleur bleu-violacée, la glaucophane. 

COSEM N11 : Cette roche était un calcschiste (schiste d’origine calcaire et argileuse) mais lors de l’orogénèse (= formation de la chaîne de montagnes) alpine, elle a été métamorphisée (en conditions statiques) dans le faciès éclogitique et contient désormais de gros cristaux d’omphacite et de beaux grenats sécants sur la foliation préexistante.

COSEM MV8 : Les minéraux blancs (plagioclases) du gabbro d’origine sont devenus des minéraux blancs (zoïsites) du faciès éclogitique. La smaragdite (du latin smaragdus qui signifie émeraude) est un clinopyroxène vert émeraude sodique (omphacite) mais aussi riche en chrome (Cr).

COSEM C51 br : Dans cette roche de très haute pression, les micro-inclusions de coésite (un minéral composé de SiO2) sont trop petites pour être vues à l’œil nu. La coésite est l’équivalent du quartz (les deux minéraux ont la même composition chimique à savoir SiO2) mais la coésite se forme à plus haute pression (> 25 kbar, cf vitrine 12).

 

Pour aller + loin : L’unité utilisée en géologie pour la pression est le kilo bar (kbar) ou le Giga Pascal (GPa). 1GPa=10 kbar. La pression atmosphérique normale vaut environ 1 bar.

6. EXHUMATION

Après un évènement de subduction, l’exhumation se fait à la faveur de grands charriages dans des zones compressives, les zones de collision continentale (ex : les collisions entre Inde et Asie pour créer les Himalayas, ou entre Afrique et Europe pour créer les Alpes) ou dans des dômes métamorphiques, appelés Metamorphic Core Complexes (ex : Tinos, Naxos dans les cyclades en Grèce ) où les roches métamorphiques d’origine profonde remontent par le jeu de faille normales dans des zones en extension.

F/167 & F/166 : Ces deux roches sont des schistes bleus rétromorphosés (= retransformés lors de l’exhumation) en schistes verts. On peut y observer de la glaucophane bleue et de l’épidote verte, et sur l’échantillon F/166 du grenat rouge.

215.19 : Ce sont des roches coronitiques où le grenat commence à être rongé par des couronnes d’amphibole et où le pyroxène sodique, l’omphacite, se déstabilise en symplectites (= texture particulière où il y a une intercroissance de 2 phases minérales ou plus, formée à partir de phases préexistantes instables) à diopside et plagioclase sodique (albite).

COSEM G202 :  Par diminution de la pression lors de l’exhumation, une éclogite de couleur rouge-verte-blanche comme l’échantillon G202 se transforme en amphibolite de couleur noire-grise-blanche par rétromorphose (liée à la présence de mica, clinoamphibole et plagioclase) en particulier vers les bordures de la lentille qui est en contact avec les gneiss encaissants (cf vitrine 8). 

exhumation

COSEM G194 : Les éclogites dont la composition chimique globale est riche en aluminium (Al) et en calcium (Ca) contiennent de la zoïsite. Ici on voit de la zoïsite blanche, et les grenats et clinopyroxènes sont plus foncés que d’habitude car ils sont plus riches en fer (Fe).

7. ÉCHANTILLONS RARES

COSEM S21 : L’amphibole appelée glaucophane fût découverte pour la première fois sur l’Île de Syros (Grèce). Cette localité est ainsi appelée « localité type » de la glaucophane. Le terme est tiré du grec ancien γλαυκός (couleur vert moyen tirant sur le bleu) ou du latin glaucus (bleu pâle/gris) et de phanein, briller. On voit de jolis prismes de glaucophane à la surface de cet échantillon.

COSEM G103 : On trouve souvent en Norvège des éclogites où les deux minéraux principaux, les grenats et les clinopyroxènes, se trouvent ségrégés (= séparés) en couches. Plusieurs mécanismes ont été suggérés afin d’expliquer ce phénomène, comme par exemple : 1. la roche originelle était un gabbro lité, ou 2. sous l’effet de la déformation, les prismes de clinopyroxènes ont glissé tandis que les grains plus ronds de grenats ont roulés, ce qui les a séparés de manière graduelle (Smith, 1976).

COSEM G128 : En général, dans les éclogites norvégiennes, les grains de clinoamphibole (qui sont assez noirs, et qui peuvent être stables dans le faciès éclogite) sont généralement de petite taille. Ici, il est exceptionnel d’observer de beaux cristaux centimétriques de clinoamphibole.

 

Pour en savoir + :

 

  • Smith D. C. (1988). – A review of the peculiar mineralogy of the “Norwegian coesite-eclogite province”, with crystal-chemical, petrological, geochemical and geodynamical notes and an extensive bibliography, In: Smith, D. C. (Ed.), Eclogites and Eclogite-Facies Rocks, Developments in Petrology, 9, Amsterdam, Elsevier, pp. 1-206

8. Le « Gneiss de l’Ouest » : Encaissant des éclogites

Le « Gneiss de l’Ouest » (WGR pour Western Gneiss Region en anglais) est une énorme unité géologique montagneuse de plus de 300 km de long (de direction nord-sud) et de plus de 100 km de large (est-ouest) dans la partie sud-ouest de la Norvège (avec des parties plus étroites affleurant dans le nord du pays) près de la côte atlantique (voir cartes géologiques présentées). Ces gneiss sont surtout des roches précambriennes (plus vieilles que 540 Millions d’années, ou Ma), d’origines diverses et qui ont été métamorphisées pendant l’orogénèse « calédonienne » (vers 420 Ma) lors de la collision des blocs continentaux appelés « Laurentia » (Amérique du Nord et Groenland) et « Baltica » (Scandinavie et Russie) (Pour en savoir + : https://www.youtube.com/watch?v=v7KtuqDaPV0). Ces gneiss ont ensuite été séparés en deux par l’ouverture de l’océan Atlantique de sorte que l’on retrouve une partie affleurant sur la côte est du Groenland.

Ces gneiss, assez divers sont souvent rubanés. Les zones  leucocrates (blanchâtres) sont riches en feldspaths et les zones mélanocrates (noirâtres) sont riches en clinoamphiboles et/ou biotites. La magnétite est le minéral dit « accessoire » le plus répandu. On peut voir ces rubans très plissés (parfois isoclinaux). Parfois ces roches sont cisaillées, coupées par des veines ou partiellement fondues, et sont généralement considérées comme ayant été métamorphisées dans le faciès amphibolite où le couple plagioclase + clinoamphibole prédomine. Suivant les espèces minérales présentes et leurs textures, ces gneiss sont appelés, par exemple : Gneiss dioritique ou granodioritique ; Amphibolite à grenat ; Micaschiste à grenat ; Amphibolite à disthène ou à sillimanite.

Au sein de cette grande unité du WGR, les éclogites norvégiennes affleurent découpées en boudins ou le plus souvent en lentilles (appelées « lens » ou « pod » en anglais). Ces lentilles peuvent être longues de seulement quelques centimètres à parfois plus d’un kilomètre ! Dans ces gneiss du WGR, on retrouve également des lentilles de péridotite (roche du manteau terrestre) et parfois d’anorthosite.

Ces éclogites sont toujours rétromorphosées dans le faciès amphibolite, surtout en bordure des lentilles au contact du gneiss encaissant : les couleurs rouge et verte des éclogites fraîches passent au vert foncé à noir dû à la formation de clinoamphiboles rétrogrades (=formées lors de la rétromorphose ; couramment appelées « hornblende », mais parfois il y a d’autres espèces comme la pargasite etc…). Ces « éclogites amphibolitisées » sont composées de plusieurs types de symplectites (intercroissances de deux ou de plusieurs phases minéralogiques en très petits grains qui remplacent la phase minérale précédente) ; les symplectites les plus caractéristiques sont composées de {clinoamphibole + plagioclase} après disparition du clinopyroxène, ou de {clinoamphibole + magnétite} après disparition du grenat. Avec le temps, les très petits grains se recristallisent en grains plus gros.

Le pourcentage d’amphibolitisation d’une éclogite dite « fraîche » peut varier de 100 % au contact avec les gneiss hôtes (qui ont fourni de l’eau nécessaire à la recristallisation des clinoamphiboles) à 0 % au centre de la lentille où on peut souvent voir des éclogites dites « pristines ». Ces roches permettent le calcul des pressions et des températures qui ont été nécessaires pour leur cristallisation dans le faciès éclogite, reflétant leur profondeur de subduction.

Gneiss lité de couleur variée comportant plusieurs lentilles de roches basiques de taille et de forme variées.
Plusieurs lentilles d’éclogite ou d’autres roches basiques encaissées dans le gneiss hôte.

Gneiss lité de couleur variée comportant plusieurs lentilles de roches basiques (éclogites et amphibolites) de taille et de forme variées. © D.C. SMITH

 

Lentille d’éclogite montrant sa zone rétrogradée en gris foncé à côte du gneiss hôte.

Lentille d’éclogite montrant une zone amphibolitisée (de couleur gris foncé) au niveau de ses bordures au contact du gneiss hôte. © D.C. SMITH

Gneiss oeillé avec feldspath rose.
Gneiss à veines d’epidote.

Gneiss œillé avec feldspath rose déformé et gneiss à veines d’épidote. © D.C. SMITH

Gneiss plissé en isoclines.
Gneiss érodé par la mer !

Gneiss plissé en isoclines (axes des plis parallèles entre eux) et gneiss érodé par la mer ! © D.C. SMITH

Ouvrages présentés en vitrine :

  • Bryhni, I. (1966). – Reconnaissance studies of gneisses, ultrabasites, eclogites and anorthosites in Outer Nordfjord, Western Norway, Norsk Geologisk Undersökelse, 241, 68 p.
  • Lappin, M. A. (1966). – Field relationships of basic and ultramafic masses in the basal gneiss complex of Stadlandet and Almklovdalen, Nordfjord, southwestern Norway, Norsk Geologisk Tidsskrift4, pp. 439-496.

 

Pour en savoir + :

 

  • Gjelsvik, T. (1951). – Oversikt over bergartene i Sunnmøre og tilgrensende deler av Nordfjord, Norges geologiske undersøkelse, Nr. 179, 45 p. + 1 carte
  • Hacker, B. R., Andersen, T. B., Johnston, S., Kylander-Clark, A. R., Peterman, E. M., Walsh, E. O., & Young, D. (2010). High-temperature deformation during continental-margin subduction & exhumation: The ultrahigh-pressure Western Gneiss Region of Norway, Tectonophysics, 480(1-4), pp. 149-171.

 

9. ÉCLOGITES ULTRABASIQUES

Les roches du manteau terrestre sont des roches ultrabasiques c’est-à-dire pauvres en silice (SiO2<45%), et essentiellement composées de minéraux riches en fer (Fe) et en magnésium (Mg) comme l’olivine, le clinopyroxène, et l’orthopyroxène. Les proportions relatives de ces trois phases déterminent les différents noms de roches du manteau: dunite, péridotite, lherzolite, harzburgite, wehrlite, etc.

ÉCLOGITES ULTRABASIQUES

Ces roches se sont formées dans le manteau terrestre avant d’être incorporées au sein du WGR. Dans le faciès éclogitique, les phases alumineuses telles que le plagioclase ou le spinelle sont transformées en grenat à des pressions approchant ou excédant 30 kbar, pression correspondant à plus de 120 km de profondeur soit la distance entre Paris et Orléans ! (Mercy & O’Hara, 1965 ; Medaris, 1980 ; Carswell, 1981 ; Cordellier et al., 1981), et le graphite en diamant (Vrijmoed et al., 2008). L’échantillon COSEM C35 est une dunite à chromite, un spinelle riche en chrome (Cr). Parfois le clinopyroxène prend une couleur verte plus vive, due à son contenu en Cr (échantillon COSEM R61a). 

Ces roches ultrabasiques peuvent être très fraîches, de couleur vert pâle (R61a), ou vert foncé car rétromorphosées lors de la diminution de la pression pendant l’exhumation. L’olivine se transforme en serpentine par hydratation, ce qui donne une couleur plus sombre à la roche. Par contre, l’altération météorique (altération principalement liée à l’eau de pluie et au vent) de basse température en surface donne une fine couche de couleur rouille (COSEM R55).

Deux couches de péridotite à grenat, Lien, Almklovdalen, Norvège
Couche de péridotite à grenat, Lien, Almklovdalen, Norvège. © D.C. SMITH
Couche contenant de gros grenats riches en Mg (rouge violacé), des clinopyroxènes riches en Cr (vert vif), et des olivines riches en Mg (étant devenues jaune par altération). Lien, Almklovdalen, Norvège. © D.C. SMITH
Zoom sur la couche la plus jaune. Lien, Almklovdalen, Norvège. © D.C. SMITH
Péridotite à grenat litée. Hessdalen, Vartdal, Norvège.
Péridotite à grenat litée. Hessdalen, Vartdal, Norvège. © D.C. SMITH

Pour en savoir + :

 

  • Mercy, E. L. P., O’Hara, M. J. (1965). – Chemistry of some Garnet bearing rocks from south Norwegian peridotites, Norsk Geologisk Tidsskrift, 45, pp. 323-332.
  • Medaris Jr., L. G. (1980). – Petrogenesis of the Lien peridotite and associated eclogites, Almklovdalen, western Norway, Lithos, 13, pp. 339–353.
  • Carswell, D. A. (1981). – Clarification of the petrology and occurrence of garnet lherzolites, gamet websterites and eclogite in the vicinity of Rödhaugen, Almklovdalen, West Norway, Norsk Geologisk Tidsskrift, 61, pp. 249-260.
  • Cordellier, F., Boudier, F., Boullier, A. M. (1981). – Structural study of the Almklovdalen peridotite massif (southern Norway), Tectonophysics, 77(3–4), pp. 257-281
  • Vrijmoed, J. C., Smith, D. C., Roermund, H. L. M. van (2008). – Raman Confirmation of Microdiamond in the Svartberget Fe-Ti type garnet peridotite, Western Gneiss Region, Western Norway, Terra Nova, 20(4), pp. 295-301
  • Sur la structure interne de la Terre

10. RÉACTION ENTRE LE GNEISS ET LES ULTRABASIQUES

Lorsqu’une lentille de péridotite se trouve au sein d’une unité de gneiss comme le WGR, il y a de forts contrastes chimiques entre la péridotite riche en Mg et Fe et pauvre en Si, Al, Ca, Na et H2O, et le gneiss encaissant ayant des caractéristiques chimiques opposées. Lors de la rétromorphose, des fluides chargés en ions circulent dans les roches et en modifient la composition chimique globale, c’est ce que l’on appelle le « métasomatisme ». Ce type de métamorphisme (avec apport de fluides) implique des recristallisations (en système ouvert) ce qui crée une zone de contact dont la chimie diffère du gneiss et de la péridotite initiale. Ces bandes réactionnelles souvent monominérales (composées d’un seul minéral) sont appelées des « skarns ».

Le métasomatisme peut créer des nouvelles roches monominérales comme les trois échantillons présentés en vitrine, récoltés en bordure d’une péridotite. On trouve successivement des roches où le talc prédomine (COSEM B349, appelée talcite ou stéatite), l’amphibole actinote (COSEM B354), et enfin le mica biotite (COSEM B356, appelée biotitite). Cette dernière présente une texture de crénulation (microplis formés lors de la déformation).

COSEM C142 : Cette roche noire, qui ressemble à un bloc de charbon, affleure à la bordure d’une autre péridotite qui a été fortement hydratée par des fluides venus des gneiss encaissants.

Omnen, Norvège. © D.C. SMITH

Le monticule de couleur beige-miel (situé derrière David) est une péridotite qui a été partiellement métasomatisée pour donner la roche composée d’amphibole noire (COSEM C142). Localité Omnen, Norvège. © D.C. SMITH

11. ECLOGITES MAGNESIENNES et origine de l’UHPM

Les éclogites qui ont une composition globale riche en magnésium (Mg) et qui sont peu hydratées contiennent de l’orthopyroxène, généralement proche du pôle enstatite et de couleur brun jaunâtre. Si, par contre, elles sont plus hydratées, le mica phlogopite apparaît ; sa couleur est marron en lame mince, et noire dans la roche. À Grytting, devenue célèbre depuis sa description par Eskola (1921), les cristaux des éclogites sont assez grands, parfois de 2 cm de long, et avec de vives couleurs rouge (grenat) et verte (clinopyroxène). Cette roche a été si prisée pour la vente que les autorités ont dû interdire toute nouvelle récolte (heureusement, David Smith et son collègue Michael Lappin avaient déjà récolté leurs échantillons plusieurs années auparavant !).

En étudiant ces roches, Smith (1976) et Lappin & Smith (1978) ont pu analyser en détail la distribution des éléments Al, Mg et Fe entre les différentes phases et donc calculer la pression de cristallisation de cette paragenèse (association de minéraux à l’équilibre pour une pression et une température données) stable entre 30 et 40 kbar (soit une profondeur de plus de 120 km). Ces valeurs correspondent à du métamorphisme de ultra haute pression (UHPM), et ce avant les découvertes de la coésite (cf vitrine 12). A l’époque, de nombreux géologues ont refusé de croire en ces pressions ultra-hautes. Quelques années plus tard, David Smith découvre une autre phase dans cette même lentille : la magnésite. Les nouveaux calculs de Lappin & Smith (1981) indiquent à nouveau ces ultra-hautes pressions et, petit à petit les géologues du monde acceptent enfin le concept de l’UHPM, renforcé par les découvertes de la coésite en Italie et en Norvège en 1984 (cf vitrines 12 & 13).

Par la suite, des éclogites créées sous très hautes pressions furent décrites dans plusieurs autres pays (ex : Chine, Grèce, Kazakhstan) permettant la création d’une nouvelle sous-discipline dans le métamorphisme : l’UHPM (Ultra High Pressure Metamorphism). Depuis, du diamant, une autre phase d’ultra-haute pression, a été découverte dans des éclogites de plusieurs pays sous forme de micro-inclusions conservées dans des zircons (ex : en Kazakhstan : Shatsky et al, 1989 ; en Norvège : Vrijmoed et al., 2008).

Ces découvertes ont permis de mettre en évidence des profondeurs d’enfouissement lors de la subduction de plus de 140 km ce qui a révolutionné nos croyances sur le processus d’enfouissement.

éclogite fraîche à orthopyroxène

Dans la magnifique éclogite fraîche à orthopyroxène à gros grains décrite par Eskola (1921), il existe des grosses cavités profondes (où l’homme se tient debout) probablement pas érodées par la mer située juste à côte, mais dynamitées par des collectionneurs. Les taches noires sont des lichens. Grytting, Selje, Norvège. © D.C. SMITH

Dans les parties hydratées de cet affleurement, l’orthopyroxène est souvent remplacé par la phlogopite (noire en petits grains au centre et en plus gros grains en haut). Parfois les grenats sont gros et de qualité gemme. Grytting, Selje, Norvège. © D.C. SMITH

l’orthopyroxène est souvent remplacé par la phlogopite

Dans cette même éclogite à orthopyroxène miel, il y a d’autres grains, plus petits, presque de la même couleur. Il s’agit  de  magnésite (carbonate de Mg) décrite pour la première fois par Smith (1976). Les parties noires sont des lichens. Grytting, Selje, Norvège.  © D.C. SMITH

Amphibolitisation d’une éclogite (à droite : la zone verte foncée et blanche à anthophyllite) et éclogite fraiche (à gauche : la zone interne montrant l’orthopyroxène miel-jaune-brun, le clinopyroxène vert vif et le grenat rouge) Grytting, Selje, Norvège. © D.C. SMITH

Amphibolitisation

Ouvrage présenté en vitrine :

  • Eskola P. (1921). – On the eclogites of Norway, Videnskapsselskapets Skrifter, I- Mathematisk-Naturvidenskapelig Klasse, (8), 118 p.

 

Pour en savoir + :

 

  • Smith, D. C. (1976). – The geology of the Vartdal Area, Sunnmöre, Norway, and the petrochemistry of the Sunnmöre Eclogite Suite, D. thesis, Aberdeen University, 750 p.
  • Lappin, M. A., Smith D. C. (1978). – Mantle-equilibrated orthopyroxene eclogite pods from the Basal Gneisses in the Selje District, Western Norway, Journal of Petrology, 19, pp. 530-584
  • Lappin, M. A., Smith D. C. (1981). – Carbonate, silicate and fluid relationships in eclogites, Selje District and environs, SW Norway, Transactions of the Royal Society of Edinburgh, Earth Sciences, 72, pp. 171-193
  • Shatsky, V. S., Sobolev, N. V., Vavilov, M. A. (1995). – Diamond-bearing metamorphic rocks of the Kokchetav massif (Northern Kazakhstan), In : Coleman, R. G., Wang X. (Eds.), Ultrahigh Pressure Metamorphism, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 427-455
  • Vrijmoed, J. C., Smith, D. C., Roermund, H. L. M. van (2008). – Raman Confirmation of Microdiamond in the Svartberget Fe-Ti type garnet peridotite, Western Gneiss Region, Western Norway, Terra Nova, 20(4), pp. 295-301
  • Sobolev, N. V. (1987). Carbon mineral inclusions in garnets of metamorphic rocks. Anuarul Institutului de Geologie si Geofizica, 7, 77-80.
  • Sobolev, N. V., & Shatsky, V. S. (1990). Diamond inclusions in garnets from metamorphic rocks: a new environment for diamond formation. Nature, 343(6260), 742-746.
  • Korsakov, A. V., Perraki, M., Zedgenizov, D. A., Bindi, L., Vandenabeele, P., Suzuki, A., & Kagi, H. (2010). Diamond–graphite relationships in ultrahigh-pressure metamorphic rocks from the Kokchetav Massif, Northern Kazakhstan. Journal of Petrology, 51(3), 763-783.

 

12. ÉCLOGITES SILICEUSES ET/OU ALUMINEUSES ET l’UHPM

ECLOGITES RICHES EN SILICE : COSEM R49 & COSEM C51gt

Les roches du faciès éclogitique ne contiennent pas seulement du grenat, du clinopyroxène mais aussi des minéraux accessoires : rutile, apatite et/ou zircon. La présence d’un excès de silicium (Si) vers 20 kbar de pression (environ 65 km de profondeur) permet la formation du quartz ce qui est très courant dans les éclogites du monde, comme dans le célèbre affleurement de Verpeneset (R49).

Sous l’effet de la pression (et donc de la profondeur), le quartz se transforme en coésite (le « polymorphe » de très haute pression du SiO2) à partir de 30 kbar environ. Ce minéral est caractéristique du métamorphisme de ultra-haute pression (UHPM).

Coésite (au centre) entourée par une fine zone de quartz tardif inclue dans un clinopyroxène qui montre des fractures radiales liées à la décompression lors de l’exhumation. COSEM C51gt de Grytting. © D.C. SMITH

 Schéma représentant les différents polymorphes de SiO2 en fonction de pression et de la température.

© 2005-2013, A.C. Akhavan

Schéma représentant les différents polymorphes de SiO2

En Norvège, la coésite fût découverte pour la première fois en 1984 dans toute l’orogène calédonienne par David Smith à Grytting (C51, ici présentée sous forme de carotte de forage). Par un hasard incroyable, cette première lentille d’éclogite à coésite se situe à 10 cm de la célèbre éclogite à orthopyroxène d’Eskola (1921) citée en vitrine 11. La coésite fût également découverte dans les Alpes italiennes par Christian Chopin (1984) quelques mois auparavant. Ces coésites en micro-inclusions dans des grenats ou des clinopyroxènes témoignent de l’enfouissement de roche de surface lors du processus de subduction, à des profondeurs de plus de 75 km, ce qui était en soi une nouveauté. De surcroît, la coésite dans les Alpes italiennes a été trouvée dans des roches acides (vitrine 13) prouvant que la croûte continentale granitique, moins dense que les basaltes océaniques, peut, elle aussi, subduire, ce qui a été un véritable changement de paradigme en géodynamique (étude de la dynamique de la Terre).

Ces micro-inclusions de coésite ont été conservées pendant la rétromorphose dans le faciès amphibolite par la dureté du minéral hôte. Cependant, on peut noter autour des inclusions la présence de fractures radiales ou concentriques qui sont liées à l’augmentation du volume du SiO2 lors de la transition coésite => quartz lors de la décompression.

 

Ces photos  viennent de Smith (1988) et montrent plusieurs exemples de coésite inclue dans du clinopyroxène (Smith, 1984) ou dans du grenat (Smith & Lappin, 1989) (échantillons de Norvège).

Dans certaines éclogites à quartz, les trois espèces de la paragenèse clinopyroxène + grenat + quartz ne sont pas toujours en contact, puisque l’une ou l’autre espèce peut manquer localement, suivant la nature du protolithe (= roche avant le métamorphisme). C’est pourquoi on peut trouver une éclogite simple, ou une clinopyroxènite à quartz, ou une grenatite à quartz comme C263.

 

Eclogite à quartz litée, Verpeneset, Nordfjorden, Norvège. © D.C. SMITH

Les premiers affleurements de coésite de Norvège (inclue dans du clinopyroxène : Smith (1984) ont été trouvés dans une éclogite partiellement amphibolitisée dans une zone grise complexe composée de lentilles d’éclogites rétrogradées (noirâtres) séparées par des couches de gneiss lité, plissé et aussi gris (comme la roche pâle sous la botte droite). Grytting, Selje, Norvège. © D.C. SMITH

La coésite de Norvège (inclue dans du grenat : Smith & Lappin, 1992) a été aussi trouvée dans une éclogite à quartz au sommet de la colline au-dessus de Straumen. Straumen, Sorpollen, Norvège. © D.C. SMITH

éclogite à coésite en Norvège

Eclogite à coésite riche en grenat. Straumen, Sorpollen, Norvège. © D.C. SMITH

ECLOGITES RICHES EN ALUMINIUM : COSEM F36 & COSEM N6

Les éclogites riches en aluminium (Al) peuvent contenir une ou plusieurs espèces minérales alumineuses, comme le disthène (= cyanite) trouvé pour la première fois dans une éclogite norvégienne par Lappin (1960), le mica phengite riche en potassium (K + Al), ou la zoïsite riche en calcium (Ca + Al). La roche F36, riche en phengite (mica de haute pression) et de texture gneissique presque schisteuse, était autrefois un granite, éclogitisé pendant l’orogenèse alpine. Cette roche est celle où David Smith avait découvert le sphène (titanite) fluoroalumineux où le couple {Ti+O} a été remplacé par le couple {Al+F}. Il a réalisé des expériences en laboratoire dans un piston cylindre jusqu’à des pressions de 40 kbar montrant que la teneur en {Al+F} augmente avec la pression (Smith, 1981).

Les disthènes et les phengites sont courants dans les éclogites norvégiennes, italiennes, allemandes, etc. Leur rétromorphose dans le faciès amphibolite donnent des symplectites caractéristiques : à {corindon + plagioclase} à la place du disthène et à {biotite + plagioclase} à la place de la phengite.

Dans la localité particulière de St. Marcel où les roches éclogitisées sont très riches en manganèse (Mn), les minéraux prennent des couleurs violacées comme la violane (diopside riche en Mn) ou l’alurgite (phengite riche en Mn) (N6).

Eclogite à disthène (cyanite) en bleu

Eclogite à disthène (cyanite) en bleu. Ile de Maaloy, Norvège. © D.C. SMITH

Pour en savoir + :

  • Eskola P. (1921). – On the eclogites of Norway, Videnskapsselskapets Skrifter, I- Mathematisk-Naturvidenskapelig Klasse, (8), 118 p.
  • Smith, D. C. (1984). Coesite in clinopyroxene in the Caledonides and its implications for geodynamics, Nature, 310(5979), pp. 641-644.
  • Lappin, M. A. (1960) – On the occurrence of kyanite in the eclogites on the Selje and Aheim districts, Nordfjord, Norsk Geologisk Tidsskrift, 40(3-4), pp. 289-296
  • Smith, D. C. (1981). – The pressure and temperature dependence of Al-solubility in titanite in the system Ti–Al–Ca–Si–O–F, Progress in Experimental Petrology, NERC Publication Series D 18, pp. 193–197
  • Smith, D. C., Lappin, M. A. (1989). – Coesite in the Straumen kyanite-eclogite pod, Norway, Terra Nova, 1, pp. 47-56

13. ÉCLOGITES "ACIDES" ET l’UHPM

Le terme « éclogite » est normalement restreint à des roches ayant une composition chimique globale basique. Cependant, lorsque des roches acides (= riches en silice), comme des granites ou des argiles, subissent des conditions de pression et de température du faciès éclogitique, ces roches sont communément appelées éclogites acides, même si le grenat ou le clinopyroxène manquent localement, faute d’assez de Mg ou Fe. 

A Dora Maira (Alpes italiennes), on trouve de remarquables micaschistes blancs (CC3, whiteschists en anglais) contenant du grenat proche du pôle pur magnésien (pyrope) et donc incolore, mais aussi du disthène, de la phengite, du talc et du rutile, en plus de la coésite (et du quartz tardif).

Parfois de gros monocristaux de grenat se forment (DM22-32b & DM19-09). C’est dans de tels monocristaux que Christian Chopin découvrit en 1984 les micro-inclusions de coésite témoin de l’UHPM. En plus de la coésite, ces gros pyropes contiennent des micro-inclusions de plusieurs autres phases : disthène, talc, clinochlore, ellenbergerite et rutile (CC2).

coésite et pyrope

DM22-32b : Cet échantillon est un grenat entier de taille décimétrique, dont on distingue certaines faces cristallographiques. Sa couleur rose pâle est liée à sa chimie inhabituelle, pauvre en fer et riche en magnésium, ne pouvant être formée qu’à des températures supérieures à 700°C (prêt Guillaume Bonnet).

DM19-09 : Cet échantillon est une tranche dans un grenat équivalent à l’échantillon précédent. Parmi les nombreux minéraux inclus dans ces grenats, la présence de coésite permet d’estimer des profondeurs de formation à une centaine de kilomètres (prêt Guillaume Bonnet).

Ouvrage présenté en vitrine:

  • Coleman, R. G., Wang, X. (1995). – Ultrahigh pressure Metamoprhism, Cambridge, Cambridge University Press, 528 p.

Pour en savoir +:

  • Chopin, C. (1984). – Coesite and pure pyrope in high-grade blueschists of the Western Alps: a first record and some consequences. Contributions to Mineralogy and Petrology, 86, pp. 107-118.
  • Michard, A., Henry, C., Chopin, C. (1995). – Structures in UHPM Rocks : a case study from the Alps, In: Ultrahigh pressure Metamoprhism, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 132-158
  • Compagnoni, R., Hirajima, T., Chopin, C. (1995). – Ultra-high pressure metamorphic rocks in the Western Alps, In: Ultrahigh pressure Metamoprhism, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 206-243
  • Smith, D. C. (1995). – Microcoesites and microdiamonds in Norway, an overview, In: Ultrahigh pressure Metamoprhism, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 299-355

14. TEXTURES INHABITUELLES DES ÉCLOGITES EN NORVEGE

Les textures des éclogites varient énormément suivant la texture initiale du protolithe (roche d’origine avant le métamorphisme), les diverses réactions métamorphiques et les déformations éventuelles.

COSEM R36a : Cet échantillon est constitué d’une partie riche en clinopyroxènes assez purs en petits grains (accompagnés de rares petits cristaux de grenats), recoupée par une couche où les grenats sont concentrés sous forme d’une veine.

Dans l’échantillon COSEM B345, grenats et pyroxènes sont boudinés sous l’effet d’une déformation dans le faciès éclogitique, formant de belles zébrures rouges et vertes.

La roche COSEM L77 montre des lamelles de grenat épaisses de 0,5 à 3 mm qui ont été exsolvées (= séparés) dans des gros cristaux d’orthopyroxènes. Les lamelles d’exsolution (= séparation des constituants initialement unis dans une phase homogène) sont généralement 10 ou 100 fois plus minces, et visibles seulement sous un microscope. L’exsolution est un phénomène courant lors d’une baisse de la température où certains atomes, qui étaient auparavant stables ensemble dans une seule phase, deviennent instables, ce qui les amène à se séparer en créant une nouvelle phase distincte. Ici, le surplus d’aluminium dissout dans l’orthopyroxène se retrouve piégé dans de nouveaux grains de grenat (un minéral plus riche en Al) cristallisés sous forme de lamelles. Ailleurs dans cet affleurement, les orthopyroxènes apparaissent parfois sous forme de mégacristaux de plus de 10 cm, ce qui n’a jamais été décrit dans une éclogite. Cet échantillon a été récolté au centre de ce pli (voir photo). La roche que l’on voit ici est une partie d’une large lentille d’éclogite à orthopyroxène couverte par des algues et/ou lichens, car située en bord de mer. C’est aussi la preuve d’une importante déformation précoce à l’intérieur d’une lentille d’éclogite, de sorte que ce plissement intense est dé-corrélé de la déformation des gneiss hôtes. Aarsheimneset, Stadlandet, Norvège. © D.C. SMITH

Photos d’une lame mince (échantillon COSEM C49 non présenté ici) montrant des lamelles de grenat (de couleur rose et d’épaisseur 0,5-3 mm) exsolvés d’un monocristal d’orthopyroxène transparent (comme dans l’échantillon COSEM L77). © D.C. SMITH

COSEM LP-93i : Cette roche provient d’une lentille d’éclogite fraîche à disthène. Cependant, les disthènes de très petite taille sont quasi-invisibles sans microscope. Elle montre une jolie texture litée avec de petits grains de grenat et clinopyroxène.

COSEM R80 : Cette roche présente une texture coronitique d’un gabbro en partie héritée de sa texture plutonique. Pour information, cet échantillon n’a pas encore été étudié en lame mince et les prinicpaux minéraux ne sont donc pas identifiés.

COSEM G184 (non présenté en vitrine) :

Les longues étroites lattes de micas, ici biréfringentes (couleur magenta), sont des mica sodique-magnésien très rares la preiswerkite de composition : Na2Mg4Al2(Al4Si4O20)(OH)4. Elle a été découverte en Norvège à Liset par David Smith dans une éclogite très rétrogradée en amphibolite. Ces preiswerkites se trouvent entourés des petits grains du plagioclase albitique dans une matrice, riche en cubes de magnétite. A gauche de la photo, une symplectite cryptocristalline incluant du corindon et du plagioclase.

symplectite
La taramite

© D.C. SMITH

Cette photo montre des étroites aiguilles du quartz exsolvé (d’épaisseur 2-20 µm) dans un clinopyroxène d’une éclogite récoltée à Rendeelven, Liverpool Land, dans l’est du Groenland (échantillon COSEM GD104406 non présenté en vitrine ; Smith & Cheeney, 1980). Auparavant ce pyroxène était « supersilicique » (comportant plus de Si que la stoichiométrie normale) pouvant indiquer de très hautes pressions initiales (Smith, 1982, 2006).

Pour en savoir +:

  • Smith, D. C. (1988). – A review of the peculiar mineralogy of the “Norwegian coesite-eclogite province”, with crystal-chemical, petrological, geochemical and geodynamical notes and an extensive bibliography, In: Smith, D. C. (Ed.) Eclogites and Eclogite-Facies Rocks, Developments in Petrology, 12, pp. 1-206
  • Smith, D. C., Cheeney, R. F. (1980). – Orientated needles of quartz in clinopyroxene: evidence for exsolution of SiO2from a non-stoichiometric supersilicic “clinopyroxene”, 26e Congrès géologique international, Paris, Abstracts, p. 145
  • Smith D. C (1982).On the characterisation and credibility of supersilicic, stoichiometric and subsilicic pyroxenes, Third International Kimberlite Conference, Terra Cognita, 2(3), p. 223.
  • Smith, D. C. (1986). – The SHAND quaternary system for evaluating the supersilicic or subsilicic crystal-chemistry of eclogite minerals, and potential new UHPM pyroxene and garnet end-members, Mineralogy and Petrology, 88, pp. 87-122
  • Oberti, R., Ungaretti, L., Tlili, A., Smith, D. C., Robert, J.-L. (1993). – The crystal structure of preiswerkite, American Mineralogist, 78, pp. 1290-1298

15. ESPÈCES MINÉRALES NOUVELLES OU RARES DÉCOUVERTES DANS LES ÉCLOGITES DE NORVÈGE

L’éclogite qui affleure à Nybö contient de l’orthopyroxène ; elle est donc magnésienne. Comme beaucoup d’autres lentilles, elle passe de paragenèses éclogitiques très fraîches à très rétrogradées. La partie haute de cet échantillon (COSEM G230d) est composée de grenat, souvent arrondi, dans une matrice litée constituée de petits prismes de clinopyroxène. Ici la proportion de jadéite (Jd) est autour de 40 %, et autour de 60 % de {diopside + hedenbergite}, c’est-à-dire une omphacite. Lorsque l’on regarde dans les niveaux les plus bas, les grenats deviennent plus rares pour disparaître totalement, tandis que la proportion de jadéite (Jd) dans le clinopyroxène augmente graduellement jusqu’à 73 %. C’était la plus haute valeur connue en Norvège à cet époque (1980) approchant 80 % de Jd, ce qui est la limite pour l’appellation jadéite (au lieu d’omphacite).

Il existe également de minuscules cristaux de clinoamphibole dans la partie basse, et dont la composition chimique était inconnue dans la littérature. Il s’agit de la « nyboïte », une nouvelle éspèce découverte par David Smith (et approuvée par l’IMA : Association Internationale de Minéralogie) : une clinoamphibole avec un contenu maximal possible en Na, et l’IMA l’a approuvé comme une nouvelle espèce minérale. Son nom fait référence au lieu de sa découverte.

En bas, la partie plus foncée est rétrogradée en {plagioclase + clinoamphibole}, mais cette dernière phase s’est montrée être aussi une nouvelle espèce : la « magnésio-alumino-taramite ». Ce nom a été imposé par l’IMA.

© D.C. SMITH

 

Un dessin de la structure cristalline de la nouvelle espèce minérale nyböite découverte dans l’éclogite à Nybö et publié dans Ungaretti et al. (1981). La nyböite est une amphibole très sodique et très alumineuse : NaNa2Mg3Alvi2Si7AlivO22(OH)2. Cette composition extrême n’existait pas dans la classification de l’IMA à l’époque. Comme la glaucophane, sa teneur en Alvi dans les sites octaédriques indique que des fortes pressions des faciès schiste bleu ou éclogite sont nécessaires pour sa cristallisation.

dessin de la structure cristalline de la nouvelle espèce minérale nyböite
microphotographie en lumière naturelle la nyböite

La nyböite initialement découverte dans les éclogites de Nybö, a été par la suite découverte dans les éclogites de Liset sous forme de grains plus larges. Dans cette microphotographie en lumière naturelle, la nyböite apparaît en gros grains violet-gris (semblable à la glaucophane mais en moins bleue). Elle contient souvent des inclusions de grenat (jaunâtre) ou de clinopyroxène (blanc), assemblage à l’équilibre dans le faciès éclogite. Les grenats et les clinopyroxènes sont frais sauf le long de fractures ou d’amas noirâtres de symplectique indiquant un début de métamorphisme rétrograde.

© D.C. SMITH

La (magnésio-alumino-) taramite est aussi une clinoamphibole de composition NaNaCaMg3Alvi2Si6Aliv2O22(OH)2 proche de celle de la nyböite. Sa teneur élevée en Aliv indique qu’elle a besoin de moins de pression que la nyböite pour cristalliser. Á Nybö, elle se trouve donc en très petits grains dans les zones rétrogradées en remplacement du clinopyroxène et de la nyböite initiaux. A Liset, il y a beaucoup plus de taramite, toujours en symplectite avec du plagioclase, mais en grains plus gros et fortement vert (voir cette photo © D.C. SMITH et la vitrine suivante).

Comme dans beaucoup d’autres clinoamphiboles, le couple MgAl peut être remplacé par Fe2+Al, MgFe3+ ou Fe2+Fe3+, de sorte qu’un des préfixes magnésio-alumino, ferro-alumino, magnésio-ferri- ou ferro-ferri- doivent être ajoutés au nom de base taramite, le cas échéant. La ferro-ferri taramite est connue depuis longtemps, mais la première magnésio-alumino-taramite du monde (Ungaretti et al., 1981) fut découverte à Nybö (avec la nyböite), et la première ferro-alumino-taramite du monde a été découverte à Liset (avec la lisetite) (Ungaretti et al., 1985).

Dans cette projection montrant des compositions des clinoamphiboles, nyböite et taramite se trouvent en haut vers l’arrière (nybo & tara), très éloignées en composition de la tremolite (trem en bas à gauche) située à l’origine de ce diagramme cristallochimique en 3 dimensions (de Smith, 1988).

COSEM C137 : à première vue, cette roche ressemble
à une éclogite typique à grenats rouges et clinopyroxènes verts en couches
alternées. Cependant, on constate qu’elle est tachetée de petits grains noirs.
Ceux-ci ne sont pas des clinoamphiboles, mais des tourmalines de composition
entre dravite et uvite (très rare) (Smith, 1971, 1988). C’est la
première éclogite à tourmaline du monde. Elle contient aussi de l’orthopyroxène
et de la clinoamphibole. La teneur en bore de cette tourmaline indique une
source initiale dans la croûte continentale qui a été subduite et ensuite
exhumée. La transition dravite / uvite (NaAl remplace CaMg, comme entre
diopside et jadéite) indique des hautes pressions. 

 

Table des espèces minérales rares et nouvelles décrites en Norvège (en vert les nouvelles espèces décrites par David Smith et ses co-équipiers):

Pour en savoir + :

  • Ungaretti, L., Smith, D., Rossi, G. (1981). – Crystal-chemistry by X-ray structure refinement and electron microprobe analysis of a series of sodic-calcic to alkali-amphiboles from the Nybö eclogite pod, Norway. Bulletin de Minéralogie, 104(4), pp. 400-412.
  • Smith, D. C. (1971). – A tourmaline-eclogite from Sunnmöre, Norsk Geologisk Tidsskrift, 51, pp. 141-147.
  • Ungaretti, L., Oberti, R., Smith, D. C. (1985). – X-ray crystal structure refinements of ferro-alumino- and magnesio-alumino-taramites from the Liset eclogite pod, Norway, Terra Cognita, 5(4), pp. 429-430.
  • Smith, D. C. (1988). – A review of the peculiar mineralogy of the “Norwegian coesite-eclogite province”, with crystal-chemical, petrological, geochemical and geodynamical notes and an extensive bibliography, In: Smith, D. C. (Ed.) Eclogites and Eclogite-Facies Rocks, Developments in Petrology, 12, pp. 1-206
  • Oberti, R., Ungaretti, L., Tlili, A., Smith, D. C., Robert, J.-L. (1993). – The crystal structure of preiswerkite, American Mineralogist, 78, pp. 1290-1298

16. La COSEM et la "davidsmithite"

 

Les meilleurs affleurements d’éclogites en Norvège sont en bord de mer. La côte ouest de la Norvège est célèbre pour son nombre incalculable de fjords et de criques et sa pluie quasi permanente. Avant la construction récente de beaucoup de ponts et de tunnels, il était nécessaire d’utiliser des bacs. Et parfois le soleil était visible !

David Smith sur un bac norvégien. © D.C. SMITH

COSEM stats

En récoltant des échantillons d’éclogites encaissées dans des gneiss pendant son stage de Mastère en Norvège en 1967, David C. SMITH ne savait pas qu’il allait devenir passionné par ces roches aussi mystérieuses que belles. Ses recherches le propulsent Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris en 1980, sur invitation de Jacques Fabriès, titulaire de la chaire de Minéralogie du MNHN. Devenu Professeur Emérite à sa retraite officielle en 2012, David Smith décide de transformer sa collection privée de recherche, composée de trois tonnes d’éclogites récoltées dans le monde entier, par donation en une Collection d’Etat appelée COSEM (« Collection Smith des Eclogites du Monde »). Plus de 2000 échantillons sont sélectionnés pour intégrer les collections du Muséum, dont ceux présentés dans cette exposition, qui illustrent la diversité minéralogique des éclogites norvégiennes.

L’idée initiale de David Smith était :

–  de rassembler dans un même lieu, et surtout au MNHN, berceau de l’étude des éclogites depuis Haüy (1822) et Brière (1920), la plus grande variété possible d’échantillons représentatifs des « éclogites du monde » en tant que nouvelle collection d’état ;

–  de l’enrichir par de nouvelles acquisitions et dons ;

–  de sélectionner des échantillons pour l’enseignement et d’éventuelles expositions à destination du grand public, afin de le sensibiliser et de l’initier sur le phénomène compliqué, mais impressionnant, du métamorphisme de haute et ultra-haute pression (UHPM), par la présentation de très beaux échantillons dans une série de « valises pédagogiques » organisés par thème ;

–  de la rendre accessible aux chercheurs du monde entier et surtout pour la postérité.

 

Les sources des échantillons

La plupart des échantillons ont été récoltés par David lui-même ; ils ont été organisés en « sous-collections » distinctes suivant le pays d’origine, l’année de la récolte, ou sur d’autres critères. Certains collègues lui ont gentiment offert à titre personnel quelques échantillons récoltés par eux-mêmes et ceux-ci sont devenus des sous-collections additionnelles. David remercie aussi ses 29 collègues de différents pays qui ont fait dons d’échantillons à la COSEM (289 au total) afin d’augmenter la représentativité mondiale de cette collection unique (voir la liste des collectionneurs). L’ensemble de ces informations sont rassemblées dans une base de données dans laquelle les 2241 échantillons peuvent être trié de plusieurs façons. Cette base de données ainsi que tous les échantillons ont été donnés au Service des Collections du Muséum afin que la COSEM devienne une Collection d’Etat afin de pouvoir servir la communauté scientifique comme référence sur les éclogites pour des siècles à venir.

L’étendu des études, les acquisitions de données, et les publications

L’étendu des études des échantillons rassemblées dans la COSEM est extrêmement variée. Beaucoup ont été transformées en lames minces. Les roches les plus intéressantes ont subis des analyses plus poussées : analyse chimique de la roche globale par chimie humide classique ou par fluorescence aux rayons-X (XRF) ; analyse minérale et/ou cristallographique par la diffraction aux rayons–X (XRD), analyse par microsonde électronique (EMP), microscope électronique à balayage (MEB) ou à transmission (MET), microscopie Raman (MSR) et affinement des structures (SREF) ; cette dernière méthode a été employée notamment pour les nouvelles espèces minérales découvertes par David et/ou par ses co-équipiers.

Les résultats de ces études ont été présentés dans les deux thèses de David (SMITH 1968, 1976) et dans de nombreuses publications scientifiques internationales, chapitres de livres, revues ou journaux scientifiques. Il existe aussi une abondance de “résumés publiés” comme dans TERRA COGNITA sur le premier congrès de la série “International Eclogite Conferences” (IEC) dont David fut un des co-fondateurs. Ce journal a ensuite établi la nouvelle revue TERRA ABSTRACTS dont David a été un des rédacteurs fondateurs. Une liste complète de toutes ces publications diverses est fournie ici dans la liste des Travaux.

Malheureusement, beaucoup d’autres résultats de recherches acquis par David sur les roches de la COSEM n’ont pas été, et ne seront jamais, publiés, faute de temps et/ou d’argent. Aussi de nombreux échantillons de la COSEM n’ont jamais était analysés. Malgré tout, des échantillons sans données analytiques ont été gardés au sein de la COSEM afin de pouvoir fournir une belle collection de tous les types de roches qui existent aux endroits échantillonnés. Les roches qui, pour une raison ou une autre, présentaient un intérêt scientifique moindre ont déjà été éliminées de la COSEM.

Des nouvelles espèces minérales trouvées

Cette collection contient énormément de matières minérales à exploiter. Plusieurs nouvelles espèces minérales (ex : nyböite, Mg- ou Fe-aluminotaramite, lisetite), ou d’autres qui sont très rares dans le monde minéral, ont déjà été découvertes dans des roches de la COSEM (voir la liste des espèces nouvelles ou rares trouvées dans les éclogites norvégiennes). Ces découvertes importantes, qui ont donc enrichi les catalogues internationaux des espèces reconnues par l’IMA (Association Internationale de Minéralogie), ont été acquises grâce aux exceptionnelles conditions chimiques et géodynamiques (ex : l’UHPM) de la formation des éclogites de Norvège, mais aussi à l’intérêt particulier de David pour la cristallochimie. Rien ne dit qu’il n’existe pas d’autres nouvelles espèces minérales à découvrir au sein de cette collection qui n’attendent que d’être trouvées !

Les types de roches collectionnées

La COSEM comporte différents types de roches (conjointement décidé avec le responsable des Collections de Pétrologie du MNHN) :

1 – Des roches de haute pression ou d’ultra-haute pression des faciès métamorphiques “éclogite” ou “schiste bleu”. Ces deux faciès correspondent à des pressions et températures où le minéral plagioclase n’est plus stable; les minéraux principaux sont un clinopyroxène sodique riche en pôle jadéite et un grenat magnésien riche en pôle pyrope. Ces deux espèces sont souvent accompagnées par du quartz, de la cyanite ou de la zoïsite. Parfois, coexistent aussi de l’orthopyroxène, une clinoamphibole comme le glaucophane ou la nyböite et un mica comme la paragonite, la phengite ou la phlogopite. Il existe parfois des minéraux indices de l’UHPM comme la coésite ou le diamant.

2 – Des roches métamorphiques progrades ou rétrogrades, c’est-à-dire formées avant ou après le pic du métamorphisme lors de l’enfouissement par subduction ou lors de l’exhumation dans un contexte de collision ou de Metamorphic Core Complex par exemple.

3 – Des roches encaissantes. Ce sont souvent les roches appelées “gneiss” ou “schiste” qui, sur le terrain, se trouvent généralement associées aux “lentilles” d’éclogite. L’origine et l’évolution de ces roches non-éclogitiques sont intimement liées avec celles des éclogites de sorte qu’il est essentiel de les étudier en même temps.

4 – Des roches profondes souvent associés aux éclogites dans les terrains métamorphiques, comme les anorthosites, granulites, métadolérites, métagabbros, dunites, péridotites, lherzolites, etc…

5 – Des nodules de roche de haute pression ou d’ultra-haute pression du manteau terrestre qui se trouvent dans les roches volcaniques ou des diatrèmes des kimberlites (des couloirs verticaux d’où des matières du manteau ont été rapidement remontées vers la surface). Ces roches “hôtes”, ont remontées des fragments de roche plus lourdes, incluant notamment des éclogites.

6- Des roches associées particulières qui ne tombent pas dans la classification ci-dessus mais qui affleurent à proximité des éclogites, schistes bleus ou autres et qui auraient pu avoir joué un rôle dans la genèse de ces roches de haute pression. Ici on inclut des matières transformées ou incorporées par injection ou par fusion partielle : veines ou pegmatites ; ou par compression: mylonites ou pseudotachylites.

 

La COSEM comporte une majorité de roches norvégiennes puisque David Smith a focalisé ses recherches sur les éclogites de Norvège. Ces roches se sont montrées très importantes scientifiquement de par les pressions ultra-hautes découvertes là-bas ; les nombreuses nouvelles espèces minérales découvertes là-bas, et de par la très bonne exposition des affleurements (peu de végétation et bonne conservation).

L’échantillon COSEM G201 présente des parties rougeâtres contenant des grenats partiellement rétromorphosés et d’autres parties plus vertes, grises ou blanches fortement rétromorphosées, pauvres en grenat du faciès éclogitique. Dans ces parties plus claires, il reste des cristaux de clinopyroxène contenant environ 80 % de jadéite (Jd) mais également du quartz, ce qui démontre la déstabilisation du couple {jadéite + quartz} (non connu en Norvège auparavant) ; ce couple est un indice de haute pression > 20 kbar à 750°C. Les rectangles rouges montrent les emplacements de plusieurs lames minces fabriquées pour étudier cette roche singulière. Une première phase minéralogique, jusqu’alors inconnue, fût découverte par David Smith qui la baptisa « lisetite ». Il s’agit d’un feldspathoïde formé, fort probablement, par la rétrogression de la paragonite (mica sodique de haute pression). C’est fut la première fois qu’un feldspathoïde a été décrit dans une lentille d’éclogite norvégienne.

 

            Une autre nouvelle phase fut découverte et nommée « davidsmithite » par Kechid et al. (2017). Reconnue aussi par l’IMA, il s’agit également d’un feldspathoïde, plus sodique que la lisetite. Cette autre nouvelle espèce a cristallisée pendant la rétrogression car elle est souvent en intercroissance avec la lisetite. Avec la néphéline et la trinépheline, la davidsmithite appartient au groupe structural des néphélines, comme on peut voir dans le diagramme cristallochimique triangulaire ci-dessous.

            La lentille de Liset est clairement unique, tout comme celle de Nybö ; ces deux lentilles d’éclogite étant les plus sodiques connues en Norvège. Smith (1988) décrit la zone des éclogites du WGR comme « un paradis pour un minéralogiste mais un cauchemar pour un pétrologue ». 

lentille d’éclogite à Liset

Dans cette photo de la lentille d’éclogite à Liset, on voit des couches gris foncé et gris pâle qui sont de l’éclogite très amphibolitiée d’où l’échantillon type de la lisetite et de la davidsmithite (G201) ont été extrait. En bas à gauche l’éclogite est peu rétrogradée et on voit bien les couleurs des gros grains frais du grenat rouge et du clinopyroxène vert. En haut à droite on voit bien la même roche couverte des lichens de couleur jaune foncé ou pâle. Derrière ce remarquable affleurement on voit la célèbre péninsule de Stadlandet. © D.C. SMITH

Cette image d’une lame mince en lumière polarisée non-analysée (PPL) de la roche COSEM G209g (non présentée en vitrine) provenant de l’éclogite de Liset, montre que la lisetite et la davidsmithite coexistent dans les zones gris pâle ou gris foncé (=éclogite rétromorphosée). On y observe: 1. une longue latte oblique (en bas à droite) et 2. une large zone irrégulière (en haut à gauche). Ces textures, qui pourraient représenter d’anciennes baguettes d’un mica initial coupé dans deux directions perpendiculaires, sont des symplectites. Elles ont une matrice transparente composée d’intercroissances de lisetite et davidsmithite. Cette matrice est riche en micro-inclusions d’oxydes de Mg-Fe-Ti oxides, et elle est toujours entourée par une couronne de Al-taramite vert. En lumière polarisée analysée (XPL) on peut souvent distinguer les deux espèces de feldspathoïdes par leur biréfringence qui est plus basse pour la davidsmithite car elle est du groupe néphéline. Les symplectites à l’extérieur sont surtout du plagioclase avec de petits grains de Al-taramite à la place du clinopyroxène initial. Les massifs noirâtres sont d’autres symplectites riches en magnétite en remplacement du grenat. © D.C. SMITH

Cette image de Kechid et al. (2017) acquise par un microscope électronique à balayage (MEB) montre une latte presque rectangulaire de 3 mm de longueur, où la lisetite plus calcique est située plutôt vers le centre (voir cartographie du Ca en haut à droite en bleu ciel), tandis que la davidsmithite plus sodique est située plutôt vers les bordures (voir cartographie du Na en haut à gauche en jaune). 

 

Le tableau de Smith (2023) montre les compositions chimiques réelles et schématiques de huit espèces de minéraux ayant la composition R+AlSiO4 présentées ici avec 16 atomes d’oxygène, qui auraient toutes la structure cristalline de la néphéline, où R+ inclue K+, Na+ ou [Ca0.50.5] + et □ = un site vacant. Par définition, toutes ces espèces reconnues par l’IMA ont des compositions chimiques et des structures cristallines différentes.

 

compositions chimiques réelles et schématiques

A noter que la lisetite est proche en composition du feldspath anorthite, mais qu’elle a deux atomes de Na+ au lieu d’un atome de Ca2+. La davidsmithite est proche en composition de la lisetite, mais un atome de Ca sur deux est absent, et sa charge positive est remplacée par deux atomes de Na (2Ca2+ = Ca2+ + 2Na+) ou (Ca2+ = Ca2+0.5   □0.5   + Na+).

Figure triangulaire

On voit dans le diagramme triangulaire, qui reporte les rapports des compositions minérales idéales en atomes de K, Na & Ca, que la lisetite tombe à mi-chemin entre l’anorthite et la trinepheline, et le pôle pur de la davidsmithite tombe à mi-chemin entre la lisetite et la trinepheline. Les compositions minérales réelles peuvent varier. D’après Kechid et al. (2017).

 

Ouvrage présenté en vitrine:

  • Kechid, S. A., Parodi, G. C., Pont, S., & Oberti, R. (2017). Davidsmithite, (Ca,□) 2Na6Al8Si8O32: a new, Ca-bearing nepheline-group mineral from the Western Gneiss Region, Norway. European Journal of Mineralogy, 29(6), pp. 1005-1013.

Pour en savoir + :

  • Rossi, G., Oberti, R., Smith, D .C. (1986). – The crystal structure of lisetite, American Mineralogist; 71, pp. 1378-1383.
  • Smith, D. C., Kechid, S.-A., Rossi, R. (1986). – Occurrence and properties of lisetite, CaNa2Al4Si4O16, a new tektosilicate in the system Ca-Na-Al-Si-O, American Mineralogist, 71, pp. 1372-1377.

17. Implications pour la géodynamique

Une des grandes énigmes de la géodynamique terrestre est de savoir quand la tectonique de plaques, telle que nous la connaissons actuellement, a commencé sur Terre et quels processus géodynamiques dominaient sur la Terre ancienne. Répondre à ces grandes questions est un enjeu essentiel pour comprendre à plus grande échelle le passage d’une Terre ancienne à une Terre moderne, et les phénomènes globaux qui s’y sont déroulés : mise en place du manteau et de la croûte, apparition de l’eau, événement de grande oxygénation de l’atmosphèrequi ont eu des implications fortes pour l’accroissement du nombre d’espèces minérales et pour l’évolution de la Vie sur notre planète.

Bien que de nombreuses études aient essayé de déterminer quand la tectonique des plaques est apparue sur Terre et de savoir si ce phénomène était progressif ou ponctuel, aucun consensus n’a été atteint jusqu’à présent.

Les roches métamorphiques de (Ultra) Haute Pression et Basse Température ((U)HP-BT) comme les éclogites fournissent des indices cruciaux quant aux processus géodynamiques, car ces roches ne sont aujourd’hui produites que dans des environnements de subduction et sont donc des témoins d’une tectonique des plaques moderne. En effet, les conditions PTt (ou t = temps) enregistrées par les éclogites (basse température et haute pression) et certains minéraux index qu’elles contiennent (e.g. omphacite, coésite, glaucophane, lawsonite, carpholite) sont des indicateurs indiscutables de la présence d’une subduction profonde impliquant l’enfouissement d’une croûte océanique relativement froide dans le manteau à grande profondeur (> 70 km) et donc à haute pression. Ces types de roche ne sont pas produites à l’Archéen où les pressions maximales enregistrées ne dépassaient pas 15 kbar et où le gradient de T était beaucoup plus fort.

 Trois périodes sont clés dans cette transition :

 L’Archéen et la géodynamique ancienne : cette période, très longue, enregistre des événements géologiques majeurs. Malgré la présence de roches métamorphiques (< 15 kbar), aucun consensus n’a été trouvé quant aux processus géodynamiques présents (sagduction, subduction plate).

Le Paléoprotérozoïque et les 1ères évidences de proto-subduction : cette période pivot, enregistre les plus vieilles occurrences d’éclogites (1,8 – 2,2 Ga) de manière mondiale. Ces roches sont les plus anciennes preuves de proto-subduction (avec des pressions comprises entre 15 et 25 kbar ± basses températures) généralisée à l’ensemble du globe.

Du Néoprotérozoïque à aujourd’hui avec l’apparition et le maintien de la subduction profonde : cette période enregistre les premières occurrences de roches métamorphiques de UHP contenant de la coésite (> 25 kbar), témoin d’une subduction avec enfouissement à grande profondeur dans le manteau.

BAR-11-12 : Cet échantillon de la région de Barberton en Afrique du Sud, présente des amphiboles, grenats, titanites, feldspaths et de rares pyroxènes. Certains auteurs (Moyen et al., 2006) proposent que cette amphibolite à grenat, daté à 3,2 Ga (François, 2014), serait un témoin de la subduction archéenne:

échantillon de la région de Barberton

© C. François

amphibolite à grenats

RG-45977 : Cette roche (échantillon historique provenant de l’Africa Museum, Belgique) est une éclogite rétromorphosée de la région du Kasaï (République Démocratique du Congo). On y trouve du grenat, de l’amphibole, du pyroxène, du rutile, du feldspath plagioclase et du quartz. Datée à 2,1 Ga et présentant des conditions Pression-Température de 17-13 kbar & 500-550°C, cette roche s’est formée lors de l’orogenèse eburnéenne. Elle est donc la plus vieille éclogite de haute pression au monde et prouve que la tectonique des plaques était fonctionnelle sur Terre dès le Paléoprotérozoïque (François et al., 2018):

COSEM B361 : Cette éclogite magnésienne provient de Nybö (Sörpollen) en Norvège et a été formée lors de l’orogenèse calédonienne il y a environ 420 Ma. Cette éclogite est majoritairement composée de clinopyroxènes en prismes et contient des couches riches en grenat et des couches riches en phlogopite litée (feuillets subparallèles au litage des clinopyroxènes). Elle est une des plus ancienne évidence d’éclogite de UHP, et témoigne donc de la présence d’une subduction « moderne » dès le Silurien.

 

CF2 : Cet échantillon d’éclogite provenant de la Compointerie à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu en Vendée contient principalement du grenat et du pyroxène (omphacite). Elle a été formée pendant l’orogenèse hercynienne il y a environ 355 Ma.

 

CF3 : Cet échantillon de schiste bleu à lawsonite et veine d’éclogite provient du Mont San Petrone, situé en Corse alpine. La roche a été formée durant l’orogenèse Alpine il y a environ 35 Ma. La partie schiste bleu contient de la glaucophane, de l’actinolite, de la lawsonite, du grenat, de la phengite et de la titanite. La veine d’éclogite est composée d’omphacite, de lawsonite, de grenat, de phengite et de titanite. Cette éclogite à lawsonite est très rare, moins de 10 localités existent dans le monde (Brovarone et al., 2011).

 

 

98B: Ce galet d’éclogite fraiche provient de la Papouasie Occidentale (Prêt: Julia de Sigoyer). Elle est composée de grenat (parfois en atoll), clinopyroxène, quartz, amphibole et rutile. Dans les métasédiments associés, on retrouve des grenats pouvant mesurer jusqu’à 10 cm de diamètre. Datée entre 5,5 et 8 Ma et présentant des conditions P-T de 17-23 kbar et 700-800°C, cette éclogite est une des plus jeunes éclogites au monde (François et al., 2016). Cet échantillon met également en évidence qu’enfouissement et exhumation peuvent être très rapide dans certaines zones de subduction.

 

Évolution de la géodynamique sur Terre: à l’Archéen, au Paléoprotérozoïque et depuis le Néoprotérozoïque (= Terre moderne ») et diagramme Pression-Température correspondants. © C. François

Pour en savoir + :

 

  • Moyen, J. F., Stevens, G., & Kisters, A. (2006). – Record of mid-Archaean subduction from metamorphism in the Barberton terrain, South Africa, Nature, 442(7102), pp. 559-562.
  • Brovarone, A. V., Groppo, C., Hetényi, G., Compagnoni, R., Malavieille, J. (2011). -Coexistence of lawsonite‐bearing eclogite and blueschist: phase equilibria modelling of Alpine Corsica metabasalts and petrological evolution of subducting slabs,Journal of Metamorphic Geology, 29(5), pp. 583-600.
  • François, C., de Sigoyer, J., Pubellier, M., Bailly, V., Cocherie, A., & Ringenbach, J. C. (2016). – Short-lived subduction and exhumation in Western Papua (Wandamen peninsula): co-existence of HP and HT metamorphic rocks in a young geodynamic setting, Lithos, 266, pp. 44-63.
  • François, C., Debaille, V., Paquette, J. L., Baudet, D., & Javaux, E. J. (2018). – The earliest evidence for modern-style plate tectonics recorded by HP–LT metamorphism in the Paleoproterozoic of the Democratic Republic of the Congo, Scientific reports, 8(1), nr. 15452.

 

Disponible sur la boutique de la SGF :

  • Collectif (2014). – La Corse alpine, Géochronique, 132, 60 p.

https://www.geosoc.fr/boutique-en-ligne/geochronique/la-corse-alpine-detail.html

Exposition coorganisée par la Société Géologique de France, la Commission de la Carte Géologique de France, le Muséum National d’Histoire Naturelle et le projet IGCP-667 (UNESCOIUGS): la Carte mondiale des orogènes

Remerciements

David Smith a récolté ces échantillons d’éclogites lors de ses longs séjours en Norvège, soit seul, soit avec un groupe de géologues (par exemple lors d’une excursion organisée par un congrès international), soit assisté sur le terrain à différentes périodes par : Haavard Buset, Harald Buset, Alan Deeney, Chiara Domeneghetti, Mary H. Inglis, Roberta Oberti & Edward B. Walsworth-Bell) à qui David exprime son immense gratitude. David remercie également Sid-Ali Kechid, son ancien étudiant qui a consacré sa thèse de doctorat sur l’extraordinaire lentille d’éclogite de Liset.

David remercie particulièrement les différents conservateurs des collections minéralogiques du MNHN : Gabriel Carlier, Cristiano Ferraris et plus particulièrement Violaine Sautter pour leurs soutiens continus depuis de nombreuses années.

David est reconnaissant à la Direction de la Société Géologique de France pour l’opportunité de présenter la COSEM lors de cette exposition. C’est un moyen idéal pour valoriser cette collection unique auprès d’autres spécialistes des éclogites, ou d’autres professionnels ou amateurs éclairés en géologie, et sans oublier le grand public et la jeunesse qui, sans doute, n’ont jamais eu l’occasion d’entendre parler du terme « éclogite ». Cette exposition n’aurait sans doute pas pu être réalisée sans le soutien de Solen Le Gardien, responsable de la bibliothèque de la SGF, qui a sélectionné et a fait revivre de vieux ouvrages du fond bibliothèque de la SGF liés au monde des éclogites, et sans le support scientifique de Camille François, de la Commission de la Carte Géologique du Monde, pour l’amélioration des textes et la présentation de ses remarquables schémas de la subduction pour aider le lecteur dans la compréhension des concepts géodynamiques difficiles.

Pour finir, ce résultat important, l’existence même de la COSEM, et de sa présentation lors de cette exposition, n’aurait pas pu être réalisé sans l’aide aussi précise que précieuse, et sans le dévouement continu de Mary H. Inglis à qui David est immensément reconnaissant. Depuis plus de dix ans, Mary a sacrifié beaucoup de son temps à aider David avec ses trois tonnes de roches. Lors de ce travail entièrement bénévole, Mary a peint, renuméroté, emballé et indexé la localisation de plus de 2000 échantillons !

 

La SGF et la CCGM tiennent à remercier Guillaume Bonnet, Julia de Sigoyer, Denis Blanc et l’Africa Museum pour leur prêt d’échantillons ainsi que toutes les personnes ayant contribuées à la réalisation de cette exposition.

Conception de la page web: Andrei Rosu

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